J’ai fait reposer sur lui mon esprit !
- Béchara Aoun
- il y a 5 jours
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 4 jours
En ce huitième dimanche du temps de la Pentecôte la liturgie maronite nous invite à contempler Jésus dans la Parole de Dieu, comme le Serviteur bien-aimé du Père, celui qui est doux et humble de cœur, et qui porte le salut au monde non par la violence, mais par l’amour.
Dans la première lecture, tirée du Livre d’Isaïe, Dieu présente son serviteur en disant : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur. » (Is 42,1) Dieu exprime tout son amour pour celui qu’il envoie. Il ne crie pas, il ne brise pas le roseau froissé. C’est un serviteur qui agit dans la discrétion et la miséricorde. L’Église reconnaît en ce portrait la figure du Christ lui-même.
Jésus, confronté à des pharisiens qui voulaient le tuer, se retire pour leur éviter de commettre ce péché et parce que son heure n’était pas encore venue. Jésus est le serviteur de la miséricorde, celui qui restaure sans écraser, celui qui pardonne, relève, et redonne vie. Le fait que Dieu dise : « J’ai fait reposer sur lui mon esprit » indique une consécration. Le Serviteur n’agit pas par sa propre initiative ou sa propre force. Il est rempli, habité, guidé par l’Esprit de Dieu. Ce n’est pas un homme ordinaire, mais un envoyé, l’élu, le porteur d’une mission divine. Lors du baptême de Jésus dans le Jourdain nous retrouvons le verset : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie » (Mt 3,17). C’est presque mot pour mot Isaïe 42,1. Jésus est donc ce Serviteur annoncé : l’Oint de l’Esprit, le Christ (du grec Christos, qui signifie « oint »), envoyé non pour dominer, mais pour servir et sauver.
Faire « reposer l’Esprit » sur le Serviteur signifie aussi que tout ce qu’il fait vient de l’Esprit. Ce n’est pas seulement un geste ponctuel. L’Esprit demeure sur lui. C’est l’image d’un homme intérieurement habité par Dieu, dans chaque pensée, chaque parole, chaque geste. Jésus dira : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres… » (Lc 4,18, citant Isaïe 61) C’est l’Esprit de sagesse, de force, de conseil et de crainte de Dieu (Isaïe 11,2), un Esprit qui ne s’impose pas, mais qui éclaire, console, guérit.

Saint Paul nous parle dans la lettre aux Romains de l’Esprit que nous avons reçu. Il ne nous condamne pas, mais nous libère : il nous fait entrer dans une vie nouvelle, à la suite du Christ serviteur. Oui par notre baptême et notre confirmation, l’Esprit repose aussi sur nous. Nous devenons à notre tour, dans le Christ, des serviteurs choisis pour annoncer, servir, consoler, guérir, et aimer comme lui. Mais pour cela, il nous faut accueillir l’Esprit. Dieu ne nous remplit pas de son Esprit pour notre gloire, mais pour porter la lumière aux nations (Isaïe 42,6). L’Esprit ne pousse pas à la violence ou à la revanche. Au contraire, il rend le Serviteur patient, miséricordieux, discret : « Il ne criera pas, il n’élèvera pas le ton, il ne fera pas entendre sa voix dans les rues. » (Isaïe 42,2)
Par Jésus Christ, la miséricorde divine se révèle à nous. Dieu Est au service, Il ne s’impose pas, mais se donne. Dieu nous invite à le suivre sur ce chemin, dans nos familles, notre paroisse, nos responsabilités. Comme l’a rappelé saint Jean-Paul II dans son exhortation apostolique Ecclesia in Medio Oriente : « L’Église ne cherche pas à imposer sa vérité par la force, mais elle veut proposer le Christ, Serviteur souffrant et ressuscité, dans la liberté de la foi et dans l’amour. » Continuer à être disciple du Christ c’est continuer à aimer, à pardonner, à servir…
Que l’Esprit Saint présent dans nos coeur, nous transforme à l’image du Christ serviteur souffrant mais aussi triomphant. Qu’il fasse de nous des serviteurs selon son cœur, comme les 350 moines maronites, témoins de la vérité, martyrs que nous fêtons le 31 Juillet.
Homélie du Huitième dimanche du temps de la Pentecôte
Livre d'Isaïe 42,1-8.
« Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur. J’ai fait reposer sur lui mon esprit ; aux nations, il proclamera le droit.
Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, il ne fera pas entendre sa voix au-dehors.
Il ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il proclamera le droit en vérité.
Il ne faiblira pas, il ne fléchira pas, jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre, et que les îles lointaines aspirent à recevoir ses lois. »
Ainsi parle Dieu, le Seigneur, qui crée les cieux et les déploie, qui affermit la terre et ce qu’elle produit ; il donne le souffle au peuple qui l’habite, et l’esprit à ceux qui la parcourent :
« Moi, le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice ; je te saisis par la main, je te façonne, je fais de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations :
tu ouvriras les yeux des aveugles, tu feras sortir les captifs de leur prison, et, de leur cachot, ceux qui habitent les ténèbres. »
Je suis le Seigneur, tel est mon nom ; et je ne céderai pas ma gloire à un autre, ni ma louange aux idoles.
Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,1-11.
Frères, ainsi, pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, il n’y a plus de condamnation.
Car la loi de l’Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus t’a libéré de la loi du péché et de la mort.
En effet, quand Dieu a envoyé son propre Fils dans une condition charnelle semblable à celle des pécheurs pour vaincre le péché, il a fait ce que la loi de Moïse ne pouvait pas faire à cause de la faiblesse humaine : il a condamné le péché dans l’homme charnel.
Il voulait ainsi que l’exigence de la Loi s’accomplisse en nous, dont la conduite n’est pas selon la chair mais selon l’Esprit.
En effet, ceux qui se conforment à la chair tendent vers ce qui est charnel ; ceux qui se conforment à l’Esprit tendent vers ce qui est spirituel ;
et la chair tend vers la mort, mais l’Esprit tend vers la vie et la paix.
Car la tendance de la chair est ennemie de Dieu, elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle n’en est même pas capable.
Ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu.
Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas.
Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes.
Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 12,14-21.
Une fois sortis, les pharisiens se réunirent en conseil contre Jésus pour voir comment le faire périr.
Jésus, l’ayant appris, se retira de là ; beaucoup de gens le suivirent, et il les guérit tous.
Mais il leur défendit vivement de parler de lui.
Ainsi devait s’accomplir la parole prononcée par le prophète Isaïe :
“Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé en qui je trouve mon bonheur. Je ferai reposer sur lui mon Esprit, aux nations il fera connaître le jugement.
Il ne cherchera pas querelle, il ne criera pas, on n’entendra pas sa voix sur les places publiques.
Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, jusqu’à ce qu’il ait fait triompher le jugement.
Les nations mettront en son nom leur espérance.”
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Saint Hippolytus of Rome (?-c.235)
priest and martyr
La Réfutation de toutes les hérésies, 10, 33-34 (trad. bréviaire 30/12 rev.)
« Voici mon serviteur que j’ai choisi »
Voici notre foi (…) : Dieu a envoyé sa Parole, son Verbe (Jn 1,1), se manifester en personne aux yeux des hommes, pour que le monde, en le voyant, soit sauvé. (…) Nous savons qu'il s'est fait homme, de la même pâte que nous. S'il en était autrement, c'est en vain qu'il nous aurait commandé de l'imiter comme notre maître (Jn 13,14.34). Si cet homme était d'une autre nature, comment pourrait-il me demander de faire comme lui, à moi qui suis faible par nature ? Où serait alors sa bonté, sa justice ?
Pour bien faire comprendre qu'il n'est pas différent de nous, il a voulu supporter la fatigue et connaître la faim (Jn 4,6) ; il n'a pas refusé d'avoir soif, il a trouvé son repos dans le sommeil, il n'a pas refusé la souffrance, il s'est soumis à la mort et il a clairement manifesté sa résurrection. En tout cela il a offert sa propre humanité comme des premiers fruits afin que toi, dans ta souffrance, tu ne perdes pas courage, mais que, reconnaissant que tu es toi-même homme, tu attendes, toi aussi, ce que le Père a donné à cet homme-là. (…)
Grâce à la connaissance du vrai Dieu, tu auras un corps immortel et impérissable comme l'âme elle-même ; tu recevras en partage le Royaume des cieux parce que tu auras reconnu le Roi du ciel tandis que tu vivais sur la terre. Tu vivras en présence de Dieu, « héritier avec le Christ » (Rm 8,17). Tu ne seras plus dominé par des désirs, des souffrances et des maladies, car tu es devenu de nature divine. (…) « Le Christ est Dieu, au-dessus de tout » (cf Rm 9,5) (…) et a donné au vieil homme la perfection de l'homme nouveau (Col 3,9). Dès le commencement il l'a appelé son image (Gn 1,27), et par cette ressemblance il a montré sa tendresse pour toi. Si tu obéis à ses saints commandements, si, en étant bon, tu imites Celui qui est bon, tu deviendras semblable à lui.